La garantie des techniques de construction non courantes
L’assureur est-il en droit d’opposer un refus de garantie lorsque les travaux ont été réalisés selon des techniques non courantes ? arantie-techniques-construction-non-courantes
Les polices d’assurance que les maîtres d’ouvrages, ainsi que les entrepreneurs, sont tenus de souscrire à l’occasion d’une opération de construction comportent fréquemment des clauses visant à écarter ou restreindre la garantie en cas d’utilisation, par les constructeurs, de « techniques non courantes ». Ces clauses sont illégales, ce qui ne signifie pas nécessairement que la garantie d’assurance sera pleinement acquise à l’assuré en cas de recours à pareilles techniques.
La jurisprudence en a fort logiquement déduit qu’est invalide (et doit en conséquence être réputée non écrite) la clause par laquelle l’assureur subordonne l’octroi de sa garantie à l’exécution, par l’entrepreneur assuré, de « travaux de technique courante réalisés avec des matériaux et suivants des modes de construction auxquels il est fait référence dans les documents techniques unifiés ou les normes françaises homologuées ou plus généralement avec des matériaux et suivant des modes de construction traditionnels » (Cass. 3e civ., 19 juin 2007, n° 06-14980 : RDI 2007, p. 325, obs. G. Leguay ; Resp. civ. et assur. 2007, comm. 285, H. Groutel. Déjà en ce sens : Cass. 3e civ., 9 juill. 2003, n° 02-10270 : Bull. civ. III, n° 144 ; Resp. civ. et assur. 2007, comm. 272 et 273. – Cass. 3e civ., 25 janv. 1995, n° 93-13576 : Bull. civ. III, n° 27 ;Resp. civ. et assur. 1995, comm. 189).
L’assureur ne saurait pas davantage utiliser le droit – que la Cour de cassation lui reconnaît (Cass. 1re civ., 28 oct. 1997, n° 95-19416 : Bull. civ. I n° 295 ; Resp. civ. et assur. 1998, comm. 65 et chron. 4, H. Groutel ; RGDA 1997, p. 1044, note J.-P. Karila) – de circonscrire sa garantie au « secteur d’activité professionnelle déclarée par le constructeur » pour opposer un refus de garantie fondé sur les modalités d’exécution de l’activité de son assuré. Il est certes admis que l’assureur n’a pas à garantir des désordres affectant les murs d’une maison, alors que l’assuré n’avait déclaré qu’une activité de charpente (Cass. 1re civ., 28 oct. 1997, n° 95-19416, préc.) ; de même qu’il peut opposer une non-assurance lorsque les désordres résultent de l’activité de couvreur entreprise par un assuré qui a déclaré une activité de maçonnerie (Cass. 3eciv., 8 nov. 2006, n° 04-18145 : RGDA 2007, p. 118, note M. Périer). Cependant, il est tout aussi indiscutable (et indiscuté) que, à partir du moment où les travaux entrepris correspondent à l’objet de l’activité déclarée, l’assureur ne peut pas se fonder sur les modalités d’exécution de ladite activité et notamment sur les procédés techniques utilisés – seraient-ils « non traditionnels » – pour dénier sa garantie (Cass. 3e civ., 10 sept. 2008, n° 07-14884 : Bull. civ. III, n° 126 ; RDI 2008, p. 508, obs. P. Dessuet ; RGDA 2008, p. 999, note J.-P. Karila : l’assureur RC décennale est tenu de couvrir la responsabilité du constructeur à l’occasion de travaux entrant dans l’objet de l’activité déclarée d’étanchéité de toitures-terrasses, alors même que les travaux d’application de résines synthétiques réalisés par l’assuré pour procéder à l’étanchéisation apparaissent comme une activité distincte dans la nomenclature de l’assureur).
Le seul moyen, pour l’assureur, de refuser ou limiter le montant de sa garantie en raison de l’utilisation de « techniques non courantes » est de se placer sur terrain de la déclaration des risques. L’on sait, en effet, que l’assuré, lors de la conclusion de la police d’assurance, est tenu de répondre avec exactitude aux questions posées par l’assureur, afin de permettre à ce dernier d’apprécier les risques qu’il prend en charge (C. assur., art. L. 113-2). En cas d’omission ou de réponse contraire à la vérité, l’assuré s’expose à l’annulation du contrat s’il est de mauvaise foi (C. assur., art. L. 113-8), à la réduction proportionnelle de l’indemnité de sinistre s’il est de bonne foi (C. assur., art. L. 113-9). En conséquence, l’assureur pourrait songer à se prévaloir de ces sanctions si, lors de la conclusion de la police, l’assuré a inexactement déclaré que les travaux seraient entrepris conformément aux techniques traditionnelles de construction. La jurisprudence estime en effet que les dispositions de l’article L. 243-8 qui font interdiction à l’assureur de restreindre l’étendue de sa garantie obligatoire (dommages-ouvrage et RC décennale) ne font pas obstacle à l’application de la réduction proportionnelle prévue par l’article L. 113-9 du Code des assurances (Cass. 1re civ., 6 déc. 1994, n° 91-20753 : Bull. civ. I, n° 361 ; Resp. civ. et assur. 1995, comm. 67 et chron. 6, H. Groutel. Cass. 3e civ., 25 nov. 2014, n° 13-22063 : RDI 2015, p. 139, note P. Dessuet ; Resp. civ. et assur. 2015, comm. 71 et chron. 1, H. Groutel).
Cependant, l’article L. 112-3, alinéa 4 du Code des assurances prévoit que « lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit à l’assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise » ; ce qui revient à interdire à l’assureur de se prévaloir des sanctions attachées à l’inexactitude de la déclaration du risque lorsque la question qu’il a posée était trop vague. Dans le même sens, la jurisprudence subordonne la sanction de l’assuré, auteur d’une déclaration prétendument inexacte, à l’existence de questions précises posées par l’assureur lors de la conclusion de la police (Cass. ch. mixte, 7 févr. 2014, n° 12-85107 : RDI 2014, p. 217, note P. Dessuet ; J. Kullmann et L. Mayaux, « Déclaration prérédigée des risques : deux voix pour un arrêt » : RGDA avr. 2014, p. 196 ; Resp. civ. et assur.2014, comm. 99, H. Groutel. – Cass. 2e civ., 29 juin 2017, n° 16-18975 : RGDA sept. 2017, p. 477, note L. Mayaux). Dans ce contexte, il est fort probable que la question « les travaux entrepris font-ils appel à des techniques non-courantes ?» ne soit pas jugée suffisamment précise pour permettre à l’assureur de priver l’assuré, en tout en partie, de la garantie en arguant que les désordres trouvent leur origine dans l’utilisation de procédés non traditionnels.
Maud Asselain
Sources : https://www.cea-assurances.fr/base-documentaire/activite-declaree-et-procede-technique/
https://www.argusdelassurance.com/reglementation/legislation/travaux-de-technique-courante.22406
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